Contrairement au sabre, le jô est une arme qui assomme mais ne verse pas le sang. Exempt de la souillure du guerrier, il est l’arme des moines par excellence qui l’utilisaient pour se défendre dans les contrées inhospitalières qu’ils traversaient.

Certains samouraï s’intéressèrent de près à cette arme, mais le sabre demeurait leur arme favorite. Toutefois, entre les mains d’un expert ou d’un maître, le jô pouvait devenir une arme redoutable. Plus d’un samouraï le découvrit à ses dépends…
Formé aux fameux Katori-Shintô-ryû et Kashima-Shintô-ryû, Musô Gonnosuke parcourait le Japon lançant des défis aux maîtres de ryû , défaisait des réputations et donnant de cuisantes leçons à de fiers samouraïs.

Quoique possédant la maîtrise du sabre dont il avait reçu l’enseignement secret (Ichi-no-Tachi, “premier sabre”), il s’était fait une spécialité du maniement du bô (bâton long), enseigné dans les monastères bouddhistes et les sanctuaires shintô.
Bientôt, sa renommée le précéda partout où il se rendait. Des samouraïs de tout rang cherchaient à se confronter à ce redoutable combattant qui n’avait connu aucune défaite.
Il était inévitable qu’il croisa un autre maître au parcours similaire, le fameux Miyamoto Musashi.

La date et le lieu du duel furent fixés. Musô Gonnosuke arriva armé d’un sabre de bois et attaqua aussitôt. Son coup fut instantanément bloqué par les deux sabres de Musashi, selon la technique en forme de croix (jujidome) qui faisait déjà sa réputation. L’issue lui aurait été fatale si Musashi, appréciant sa valeur, ne lui avait laissé la vie sauve.

Abattu par une défaite dont il ne comprenait pas la cause, Musô Gonnosuke se retira dans les montagnes où il alterna méditation et entraînement aux armes, selon une tradition dite Musha Shûgyô, “austérité des guerriers”. Au cours d’une nuit, il entendit une voix lui murmurer “Connais les organes avec une bûche”. Etait-ce un génie de la montagne, un de ces Tengu experts dans l’art du sabre ? Perdait-il la raison ? Quelques jours plus tard, le sens de cette formule lui parut clair. “Connais les organes avec une bûche” devait signifier la connaissance des points vitaux où porter les coups avec un bâton. Il prit une branche de bois dur qu’il tailla selon l’écartement de ses bras et nomma cette arme, d’une extrême simplicité : le jô.

La légende veut qu’il rencontra à nouveau Musashi avec ce jô. Le duel eut lieu entre un maître armé d’un simple bâton et un maître jusqu’alors invaincu, portant les deux redoutables sabres des samouraï. Contre toute attente, ce fut Musô Gonnosuke qui gagna. Comme Musashi l’avait fait à son égard, il lui laissa la vie sauve.

La renommée de Musô Gonnosuke atteignit une telle ampleur qu’il intéressa fortement le clan Kuroda dont il devint le maître d’arme.

C’est ainsi que naquit le Shindô Musô ryû jôjûtsû. Le jôjûtsû allait acquérir ses lettres de noblesse et, comme de nombreux “jûtsû” de cette période, deviendrait bien plus tard une Voie : le Jô-dô.

Ainsi s’édifia peu à peu l’héritage de ces maîtres de la Voie du sabre dont bénéficièrent les budô quelques siècles plus tard.

Malgré la disparition de la classe des samouraïs, leurs enseignements se perpétuèrent de manière souterraine : Le bushidô, profondément ancré dans la société japonaise, continua à transmettre l’esprit des samouraïs et la tradition du secret au sein des ryû conserva les techniques anciennes de bujûtsû.

Lorsque l’époque fut à l’ouverture sur le monde, les conditions étaient réunies pour que de nouveaux grands maîtres apparaissent et transforment ces bujûtsû (techniques martiales) en budô (Voie martiale).

Parmi eux, le fondateur de l’Aïkido, O’Sensei Morihei Ueshiba.